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LES FECONDITES DU COUPLE HUMAIN

Permettre à son conjoint d’évoluer
et de trouver son être profond.


Etre fécond, c’est produire de la vie.
Mais aussi, nous pouvons définir la fécondité au sein d’un couple de la même façon qu’on parlerait d’une “femme féconde”, c’est-à-dire d’une femme qui peut accueillir dans son organisme un corps étranger, et ne pas déclencher de mécanisme de rejet.

Echapper au “toujours pareil”

Jean-Marc et Brigitte vivent en couple depuis huit ans, et sont liés par un authentique sentiment d’amour réciproque. Lors d’un entretien de conseil conjugal, Jean-Marc dit à propos de Brigitte: “Elle est comme toutes les femmes. Elle f ait mine de rester en retrait, effacée, et prétend laisser à son entourage autonomie et liberté de décision. Mais en réalité, elle légifère tout ce qui a trait à notre vie, que ce soit au niveau de la famille, ou au niveau du couple”.
On s’en doute, cette phrase “elle est comme toutes les femmes “ résume bien l’impasse dans laquelle se trouvent Brigitte et Jean-Marc. Ils viennent en effet consulter parce que, comme on dit dans notre jargon professionnel, le couple ne “fonctionne” plus. Or, si l’on approfondit un peu la déclaration de Jean-Marc, on découvre que le schéma qu’il décrit ainsi est en fait celui qui prévalait dans sa famille d’origine, avec son père et sa mère et, bien entendu, sa mère vis-à-vis de lui-même. Quant à Brigitte, elle évoque comment elle s’est retrouvée, petite fille, confrontée à des parents dont les préoccupations majeures étaient centrées à l’extérieur de la famille. En tant qu’aînée, elle s’est sentie responsable de la cohésion de cette famille fragilisée, prenant des décisions pour ses frères et sœurs, voire pour ses parents. Ainsi s’est-elle rassurée elle-même, enfant, en faisant preuve de capacités qu’elle n’aurait pas dû, compte tenu de son très jeune âge, avoir à solliciter. Voici une construction de personnalité trop précoce, et qui laisse des réflexes très ancrés. Ceux-ci induiront, lors de la vie adulte, des répétitions venant s’articuler aux traces “imprimées” chez le conjoint. Lorsque les couples viennent consulter en conseil conjugal, ils expriment un mal-être qui, la plupart du temps, peut se traduire en ces termes :


“Nous avons le sentiment qu ‘il y a un blocage entre nous.
Les situations pénibles se répètent,
à chaque fois selon le même schéma,
chacun dans un rôle qui semble préétabli.
Alors, nous perdons la confiance mutuelle et, l’un comme l’autre,
nous nous réfugions dans une solitude qui coupe la communication.”

En quelque sorte, venir consulter un(e) conseiller(e)conjugal(e) - avec peut-être l’objectif d’entreprendre une thérapie de couple - a pour finalité de trouver une issue à ces répétitions stériles afin de réamorcer une relation digne de ce nom : échange entre deux personne dans la liberté d’expression de leur être profond. Nous avons tous à l’esprit le vocabulaire pouvant traduire ce plaisir unique de fonctionner à deux dans la spontanéité : créativité, ouverture vers l’autre.

Comme une huître
qui voudrait de l’eau fraîche

Comment un couple peut-il trouver - ou retrouver - sa “fécondité”, c’est-à-dire sa capacité à échapper au “toujours pareil”, et à expérimenter le bonheur d’évoluer côte à côte dans la durée ? Lors d’une consultation, Monsieur D. se compare à un coquillage fermé.

“Comme une huître, dit-il,
qui voudrait de l’eau fraîche. Mais pour cela,
elle doit ouvrir sa coquille. Or, ainsi, elle s ‘expose, se met en danger.”

Monsieur D. voudrait pouvoir s’échapper de sa tour d’ivoire, quitter le nid et prendre son envol vers l’inconnu.
Voici formulés de façon très imagée les phénomènes de coupure relationnelle : besoin de protection, repli de défense. Parce que le milieu est hostile ou parce que les premières expériences d’explorations du monde (un besoin vital et si puissant !) ont donné lieu à des traumatismes.
Reprenons l’image du “devenir parent” : un événement extraordinaire puisqu’il s’agit, à partir du “même” - deux individus bien définis dans leur identité respective - de permettre à un nouvel individu d’accéder à l’existence. Ce nouvel individu se définira à son tour par toutes ses nouveautés biologiques et physiques (sexe, taille, physionomie...), mais aussi par toutes ses différences psychologiques : caractère, goûts, chemin de vie... En somme, être “fécond” consiste à produire de “l’autre”, un être différent, qui sera accueilli, respecté, valorisé en tant que tel. Ces conditions sont incontournables pour garantir l’épanouissement physique et psychologique d’un enfant. Tout parent connaît ce principe, mais sait également par expérience que la théorie n’est pas si simple à appliquer. Toute mère, tout père, se forge de son enfant une image préétablie plus ou moins consciente et devra continuellement faire un effort sur lui-même afin que l’enfant ne soit pas acculé à répondre aux désirs de ses géniteurs.


Se développer:
créer des situations nouvelles

Revenons au couple de Jean-Marc et Brigitte. Le blocage se traduit par le constat “c ‘est toujours pareil ! ” : Jean-Marc et Brigitte expriment une impuissance à sortir d’un schéma qui porte atteinte à la valeur de chacun dans le couple. Sentiment de dévalorisation chez Jean-Marc ; il souffre de ne plus occuper sa place à travers son rôle d’homme, mais aussi de père de famille autonome et désireux de prendre des responsabilités. Brigitte, quant à elle, développe un sentiment de solitude face à un compagnon que, paradoxalement, elle désire « fort », et apte à prendre des décisions. Ainsi le couple s’appauvrit: la créativité, gage de projets et de projections dans l’avenir, leur échappe. Un couple “fécond” est avant tout un couple apte à se développer, c’est-à-dire à créer des situations nouvelles, ouverture vers “le grand mystère de la vie”.

Mais cette fécondité du couple n’est possible
que si chacun dispose, intérieurement,
de l’assurance d’être un “bon” partenaire pour l’autre.

Ainsi, avec une aide extérieure, Jean-Marc et Brigitte vont prendre conscience de ces répétitions nocives, et réaliser que le conjoint n’agit pas dans le but de nuire. Les conséquences seront une reprise de la confiance intérieure, mais aussi de la confiance dans l’autre. Progressivement, Jean-Marc et Brigitte seront moins blessés par les moments de blocage, plus aptes à percevoir les aspects qui n’entrent pas dans le système répétitif.


« Grandir », pour le couple comme pour l’enfant

Donner naissance à un enfant, c’est renoncer à répéter ce qu’on est soi-même, mais aussi renoncer à produire ce qu’on aurait voulu être. Voilà donc qui pose à tout être humain la question du “nouveau » : passer de ce qui est bien connu, habituel - et par là même rassurant – à l’acceptation du différent, de l’inconnu.
Les psychologues attachés à l’étude de la petite enfance ont observé une étape décisive dans l’évolution du bébé. On appelle cette phase : “angoisse du huitième mois”. C’est l’époque à laquelle le petit enfant - compte tenu de sa maturation physiologique et psychologique - va accéder à la capacité de différencier les visages familiers (parents, nourrice, personnel de crèche...) d’avec le visage des étrangers. Le bébé est alors confronté à une situation pouvant le déstabiliser fortement: le différent, le nouveau, pouvant être vécus comme très dangereux. Une étape décisive dans l’établissement des capacités de créativité de la personne humaine.

Si le bébé dispose d’une bonne sécurité intérieure
préalablement acquise à travers ses relations aux parents
ce passage au nouveau, au différent, se fera naturellement.

Ce sera le point d’ancrage pour de bonnes capacités d’accueil face aux imprévus de la vie : savoir grandir, s’adapter aux situations nouvelles, aborder de façon inventive le futur qui, par définition, est porteur d’événements inattendus. A l’âge mûr, l’un adulte sera imaginatif, curieux de nouveautés, peu déstabilisé par la découverte de l’inconnu. En somme, ce qui fait toute la richesse de la vie.
C’est pourquoi tout couple doit être d’une grande vigilance devant les situations répétitives stériles. Elles constituent un signal d’alarme, indiquant peut-être une menace, le risque d’approcher vers le tunnel sans issue de l’impuissance.
Encore une mise en garde : le sentiment de stagner à l’orée du tunnel de l’impuissance et de la répétition amènent de nombreux couples à croire que la solution pourrait se trouver dans ces “passages à l’acte” dont nous constatons autour de nous la grande fréquence : l’un ou l’autre s’engage dans une relation extra-conjugale, mais également prend des décisions de rupture. Ainsi croit-on rompre avec le circuit infernal du “toujours pareil” et créer du nouveau. Dans ma profession, je constate que cette solution est parfois - voire souvent - illusoire. En effet, nous voyons fréquemment les couples de remplacement affectés tôt ou tard par les phénomènes douloureux qui avaient conduit à ces décisions de “changer quelque chose”. En fait, les solutions réellement riches humainement font rarement l’économie de la réflexion.

Grandir, pour un couple, c’est donc un peu la même chose que pour l’enfant : accueillir avec l’assurance nécessaire les transformations, voire les métamorphoses inhérentes à la vie. La relation de couple est jalonnée d’épreuves de tout ordre : devenir parents, changements professionnels, départ des enfants, maladies ou deuils... Autant d’étapes de maturation conduisant peu à peu vers la maturité psychologique. Mais attention, cette dernière n’est jamais définitivement acquise. il s’agit d’une conquête incessante, sans doute l’œuvre même de la vie humaine.