CONSEIL CONJUGAL ET THERAPIE
DE COUPLE :
PAREIL ? PAS PAREIL ?
Il y a ainsi des mots nouveaux qui circulent de bouche à
oreille et qui signent l’air du temps, sans qu’on puisse
les identifier de manière certaine. Ces mots sont un peu
comme des noms encore sans visage, il y a anguille sous roche :
quelque chose est là, prêt à prendre une forme
réelle, et cela attise la curiosité. Ces mots, aussi,
font un peu peur. Peut-être craint-on, parfois, d’aller
y regarder de plus près ?
Marc lut à voix haute, mais pour lui-même : «
Difficultés de couple ». C’était ce qui
était inscrit sur la plaque apposée sur la façade,
à l’adresse qu’on lui avait indiquée lors
de sa prise de rendez-vous. C’était un lieu où
il était proposé des « consultations conjugales
» et, en effet, il avait pris la décision de parler
à quelqu’un de sa vie sentimentale qui le préoccupait
depuis quelques mois de manière inquiétante. Avoir
deux femmes dans sa vie, il trouvait cela de plus en plus inconfortable
! Par dessus le marché, Il prenait conscience qu’il
se sentait incapable de choisir...
D’un côté, Fabienne, une épouse plus âgée
que lui de dix ans, qui l’avait remarquablement soutenu dans
son ascension professionnelle. Une réussite exemplaire grâce
à cette femme perspicace et racée dont il était
exclu qu’il se sépare. De l’autre, Olga, une
amie récente, pétillante de fantaisie et de jeunesse,
et si amoureuse! Se détourner d’Olga, se disait Marc,
c’était abandonner sa jeune amie à un désespoir
intolérable, lui donner un coup fatal.
Mais comment Marc en était-il venu à chercher de l’aide
auprès d’une «consultation conjugale »,
lui qui avait toujours jugé sévèrement ceux
qui, dans son entourage, avaient eu la lubie d’aller déballer
leur vie intime devant des « psy» et autres «
thérapeutes » ? Jusqu’alors, il pensait même
qu’il pouvait être dangereux de déposer son sort
entre les mains d’un(e) inconnu(e), dont le métier
consistait à épier les moindres états d’âme
de son prochain.
Malaise
De son côté, Fabienne tenait aussi à son couple
et percevait bien que le malaise s’installait de manière
inquiétante. Un jour, elle annonça à Marc qu’elle
se sentait trop démunie, que leur échec de couple
la dépassait.
Au mot « échec », Marc sentit son sang se glacer.
Il y eut un long silence.
Fabienne reprit son souffle; elle avait encore quelque chose de
difficile à dire : « Je suis allée voir une
conseillère conjugale… »
Oui, Marc avait bien entendu. Cette nouvelle lui faisait l’effet
d’un choc. Il eut l’estomac noué et n’osa
pas regarder Fabienne en face. Mais celle-ci poursuivit : «
Je sais que tu as une amie. Je n’en peux plus ! »
Pour Marc, c’était comme si le sol s’était
dérobé sous son poids. Cette femme qui était
pour lui le plus infaillible soutien, cette femme énergique
et volontaire, il la voyait soudain s’effondrer. Ce spectacle
le démolissait. Il se raccrocha à ces mots insolites
entre eux: «Une conseillère conjugale »
Devant les signes d’affolement de Marc, Fabienne s’empressa
de se ressaisir. Il était temps de le rassurer «Qu’est-ce
qui t’inquiète ? Tu penses que j’ai eu tort?
Je me sentais trop seule, je n’ai pas pu t’en parler
avant. Ça n’a pas été facile, tu sais.
J’aurais préféré que tu puisses m’accompagner.
Mais ce n’est pas trop tard...
« Mais je ne suis pas malade ! », répliqua Marc,
les yeux écarquillés.
« Enfin, Marc, qu’est-ce tu racontes! Une conseillère
conjugale, ce n’est pas un psychiatre! »
Consultation conjugale
Conseillère conjugale... Thérapeute de couple... Psychologue...
Psychiatre... Pas si facile que ça, pour un non spécialiste,
de s’y repérer.
Convaincu par Fabienne, Marc se rendit bel et bien à une
consultation conjugale. Cela n’avait rien à voir avec
une consultation de psychiatrie. La personne qui le reçut
avait, bien entendu, une solide formation en psychologie mais, plus
spécialement, une compétence accrue en ce qui concerne
la psychologie des couples. Sa profession exacte était: «
conseillère conjugale - thérapeute de couple ».
Mais encore ? Pour mieux entrevoir la spécificité
de cette profession, rejoignons Marc dans sa démarche.
Le voici installé face à Madame S. que Fabienne avait
rencontrée une semaine plus tôt. Bien sûr, Marc
ne se sent pas très à l’aise. Cette situation
inhabituelle l’embarrasse, et il s’en veut car il a
l’impression de ne pas trouver ses mots. Il craint de donner
de lui l’image d’un homme maladroit et immature. Quelqu’un
qui n’arriverait pas à s’en sortir tout seul.
Enfin, pensait-il en venant à son rendez-vous, une conseillère
conjugale doit être quelqu’un qui « donne des
conseils ». Et si, justement, elle se mettait à lui
dicter sa ligne de conduite, à le replacer sur le droit chemin
? Par exemple, allait-elle s’évertuer à le convaincre
de reprendre une vie conjugale « normale », de rentrer
dans le rang et de se détourner d’Olga ?
Bien sûr, ce n’était pas la première fois
que Madame S. avait devant elle un consultant qui ressentait une
telle gêne. Elle encouragea donc Marc en lui signifiant qu’elle
comprenait bien ce que sa démarche pouvait avoir de déconcertant
pour lui, puis elle lui rapporta ce qu’elle avait appris de
Fabienne. Sa première impression avait été
de penser qu’il était préférable qu’ils
viennent à deux., pour mieux comprendre ce qui se passait
dans leur couple. Mais elle avait songé aussi qu’un
rendez-vous préalable avec Marc seul serait indiqué
afin que ce dernier puisse présenter sa version des choses,
Fabienne ayant pu s’exprimer seule, lors du premier rendez-vous.
Marc eut avec Madame S. un entretien d’environ 45 minutes
durant lequel, il ne vit pas le temps passer. En sortant il fit
le point pour lui-même : au début, quelques minutes
de trouble durant lesquelles, semble-t-il, il avait un peu bafouillé.
Ensuite, les mots étaient venus tout seuls. C’était
vrai qu’il avait ressenti le besoin de se libérer de
ce poids qui pesait sur lui depuis des mois.
Ne pas en rester là
D’une certaine manière, après coup, son état
était double. Il se sentait soulagé d’avoir
pu exprimer des sentiments personnels qu’il n’avait,
jusqu’alors, confiés à personne. Mais il sentait
aussi qu’il restait bien des choses à dire. Et beaucoup
de questions lui venaient maintenant sur sa vie de couple: il n’avait
pas envie d’en rester là...
Enfin, à aucun moment, Madame S. n’avait renvoyé
de lui l’image de quelqu’un de « malade »,
mais seulement celle d’un homme qui se pose des questions
réellement importantes pour lui et ses proches. Des questions
qui avaient été accueillies avec tout le soin et toute
l’attention qu’elles méritaient : s’il
le désirait, il pourrait poursuivre et s’y atteler.
Seul ou, mieux, avec Fabienne puisque cette dernière le désirait.
Faire le point
A ce stade, Marc, était exactement à l’étape
du « conseil conjugal » : une ou quelques rencontres
ponctuelles, pour rendre plus claire une situation complexe faisant
que la vie devenait parfois trop difficile. Le conseil conjugal
permet ainsi de faire le point avec le soutien d’une tierce
personne, formée spécifiquement à la compréhension
des relations entre les hommes et les femmes.
Contrairement à ce que certains pourraient craindre, il ne
s’agit pas de venir recevoir des conseils destinés
à changer arbitrairement le cours d’une vie. La consultation
est beaucoup plus un moment de réflexion, une parenthèse
venant ponctuer l’enchaînement des événements
quotidiens: s’offrir une halte pour « tenir conseil
», afin que la personne venant consulter trouve par elle-même
la solution qui sera bonne pour elle.
Une réflexion approfondie
Par rapport à ce premier moment, la thérapie de couple
constitue une étape d’une autre nature: une réflexion
plus approfondie, plus fouillée, portant sur la relation
qui unit tel homme et telle femme.
On sera alors amené, en couple, à explorer le sens
d’un malaise durable pouvant se présenter sous des
formes multiples: gêne dans la communication, difficultés
sexuelles, conflits familiaux...
Aussi, pour garantir un maximum d’effets bénéfiques,
la thérapie de couple Implique une régularité
dans les rendez-vous: deux fois par mois, voire toutes les semaines,
un rythme décidé en commun en fonction des besoins
de chaque couple. Le cheminement pouvant s’étaler sur
un an, voire davantage, selon les buts fixés.
En ce qui concerne Fabienne et Marc, ils s’engagèrent
effectivement dans une thérapie de couple, à raison
de deux rendez-vous par mois, et cela pendant un peu plus de deux
ans. C’est le temps qui leur fut nécessaire, à
eux, pour comprendre qu’ils avaient besoin, l’un et
l’autre, de tourner une page. En fin de compte, il leur fallait
se quitter. Ils purent, en effet, le faire sans blessure violente,
sans drames pour leurs enfants. Un moment grave, où toutes
les subtilités de leurs liens furent estimées à
leur juste prix: leur union avait été nécessaire
et les avait enrichis tous les deux. Ils purent se séparer
en le sachant.
Enfin, Marc put expérimenter par lui-même que consulter
une conseillère conjugale-thérapeute de couple, cela
ne signifiait nullement qu’on était atteint d’une
pathologie mentale ! Cela voulait surtout dire qu’on refusait
de s’imposer des blessures inutiles et qu’on tenait
à protéger les siens de crises insurmontables.
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